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De régatier à maître de la pirogue à voile traditionnelle

Published : 1 September 2025

De membre de l’équipe de France et fin régatier à la transmission d’un savoir-faire ancestral, Teiva Véronique-Gatata incarne le renouveau de la navigation à voile traditionnelle en Polynésie française.

Si vous lisez ces lignes, c’est sans doute parce que l’appel du Pacifique vous titille. Vous préparez peut-être votre voilier, révisez vos voiles, testez vos instruments et vous projetez déjà vers la Polynésie française avec le Pacific Puddle Jump.

Quand il y a 5 000 ans, les premiers Polynésiens sont partis de Taïwan pour peupler la Mélanésie et la Polynésie, ils ont embarqué sur des grandes pirogues doubles à voile sans instrument. Seuls le vent, les étoiles, les oiseaux et la houle leur permettaient de s’orienter.

C’est précisément ce retour aux sources qui a changé la vie de Teiva Véronique-Gatata. Ancien régatier de haut niveau, membre du pôle France de Marseille dès l’adolescence, il a tout connu de la compétition : Optimist, planche à voile, Hobie Cat.

Diplômé de l’École nationale de voile et des sports nautiques en Bretagne, il a longtemps conseillé la Fédération tahitienne de voile. Mais en 2015, une expérience va marquer Teiva : il devient le capitaine de la pirogue double traditionnelle, Faafaite, qui rend à la navigation sans instruments ses lettres de noblesse. Et c’est le choc : « Je savais aller vite, mais je ne savais pas comment mes ancêtres faisaient pour traverser un océan sans instruments, sans compas, sans GPS. »

Passion et transmission

Depuis, Teiva a choisi de consacrer sa vie à cette renaissance. Sur le motu de ‘Ārue (Tahiti), il a fait le choix de construire dix petites pirogues à voile, des holopuni, et lancé une école dédiée à la navigation ancestrale. Chaque année, « des milliers de curieux, locaux comme visiteurs », embarquent pour goûter à ce savoir-faire oublié.

Les enfants, eux, découvrent bien plus qu’une technique. « Vous allez apprendre à devenir des marins », annonce Teiva à Shaun, Heily, Auhiki, Anaë et Adèle. Ils sont en stage pendant les vacances scolaires. En une semaine, ils apprennent à lire la mer, à sentir le vent, à reconnaître la houle et les étoiles pour naviguer en autonomie. Le tout sans jamais sortir un instrument de poche.

La pédagogie de Teiva dépasse l’apprentissage de la voile : il s’agit de renouer avec l’histoire. « L’île de Tahiti a été découverte il y a 1 500 ans. Ensuite, les Polynésiens sont allés à Aotearoa (Nouvelle-Zélande), Hawaii, Henua Enata (les Marquises) et Rapa Nui (l’île de Pâques). » Chaque embarquement sur un holopuni devient pour les cinq stagiaires une leçon de géographie, de culture et d’écologie.

Car la navigation traditionnelle est aussi un plaidoyer pour l’océan. « Quand les enfants apprennent à observer la nature pour s’orienter sur l’océan, ils cessent d’être spectateurs et ils deviennent acteurs », résume Teiva.

Au fil des siècles, les Polynésiens ont traversé limmensité bleue avec une précision et une audace qui forcent l’admiration. En suivant les traces de Teiva Véronique-Gatata, on comprend que naviguer, ce nest pas seulement avancer sur leau : cest tisser un lien vivant entre passé et présent, entre lhomme et la mer. Alors, quand votre voilier franchira la « ligne darrivée » du Pacific Puddle Jump, peut-être lèverez-vous les yeux vers les étoiles en pensant : « Eux lont fait avant moiet sans aucun GPS. »

Comment se repérer sans instruments en mer

« Nos ancêtres étaient des experts. Nous ne sommes pas moins bons qu’eux, mais nous sommes déconnectés. Qui prend le temps de regarder les étoiles se déplacer la nuit ? qui prend le temps de regarder le lever et le coucher du soleil? qui prend le temps de regarder d’où vient le vent, de sentir la température et la force du vent, de regarder les nuages », interroge Teiva. « Quand tu es connecté à tout ça, la navigation, ce n’est pas compliquée. Finalement ce qui est le pus dur, c’est cette re-connection. Quand elle est en place, la lecture des éléments vient vite. »

« En mer, c’est la houle, les vagues, les courants. Dans l’air, il y a le vent, les nuages. Au lever et au coucher du soleil, sa position sur l’horizon nous renseigne sur notre position. Durant la nuit, ce sont tous les levers et couchers de la soixantaine d’étoiles dominantes qui vont nous aider à nous repérer. Quand une étoile se lève sur l’horizon, nous pouvons définir un angle entre cette étoile et le cap de notre pirogue à voile. Comme nous n’avons pas de compas, nous utilisions ce que nous appelons des fare qui découpent l’horizon en compartiments. Ainsi nous savons exactement où nous sommes et où nous allons. La journée, nous sommes dans l’estime du cap et la nuit dans la précision. La hauteur des étoiles nous indique sur quelle latitude nous sommes », résume le moniteur de voile.

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